Introduction
Dans un précédent article disponible ici, nous avons analysé les résultats de l'expérience dans laquelle nous vous faisions tester des modes de scrutins alternatifs pour l'élection européenne. Nous vous invitons à lire cet article afin de comprendre quels sont les modes de scrutin proposés et quels sont les problèmes qu'ils tentent de résoudre.
Faisons tout de même un bref rappel : un des problèmes du mode de scrutin actuel pour les élections européennes est le seuil de 5%, en dessous duquel une liste obtient automatiquement aucun siège. À cause de ce seuil, 20% des bulletins n'ont, d'une certaine manière, pas été pris en compte en 2019 : ce sont 20% d'électeurs non représentés. En 2024, ce chiffre était de 12%, grâce à la qualification de justesse des listes Écologistes et Reconquête (avec 5,5% des voix chacune). Pour résoudre en partie ce problème, nous proposions une première méthode dans laquelle les électeurs peuvent indiquer une liste de second choix, sur laquelle leur vote va se reporter dans le cas où leur premier choix n'obtient pas 5%. La seconde méthode proposée permet encore plus d'expressivité puisque les électeurs peuvent donner un classement contenant autant de listes qu'ils le souhaitent (ainsi, si leur second choix n'obtient pas 5% non plus, leur vote se reporte au troisième choix, et ainsi de suite). Nous vous faisions tester ces méthodes dans une expérience en ligne la semaine précédant les élections, et nous avons depuis analysé les résultats dans notre précédent article.
Vous avez été plus de 3000 à participer à l'expérience, et plus de 461 d'entre vous ont laissé un commentaire dans le questionnaire en fin d'expérience. Dans cet article, nous allons nous pencher sur ces commentaires, et analyser les réponses au questionnaire. En particulier, plusieurs remarques sont revenues très souvent, notamment sur le seuil de 5%, sur des modes de scrutins étudiés dans l'expérience, mais aussi sur la complexité de dépouillement qu'implique nos méthodes. Nous allons également regarder les réponses au questionnaire des participants à l'enquête sur échantillon représentatif de 1000 Français (dont l'analyse des résultats se fera dans un prochain article).
L'élection européenne
Les deux premières questions du questionnaire portaient sur la compréhension du mode de scrutin actuel et des problèmes que le seuil de 5% pouvait engendrer. Pour la plupart, les participants estiment avoir bien compris à la fois le mode de scrutin et les problèmes liés au seuil. Les données présentées ci-dessous ont été redressées selon les intentions de vote pour l'élection européenne, pour que les résultats soient représentatifs de la population française. Le processus de redressement est décrit dans le premier article.
Le seuil de 5%
Nous avons reçu beaucoup de commentaires similaires à celui-ci, exprimant le souhait d'abaisser le seuil de 5%, voire de le supprimer. Cette solution évidente semble beaucoup plus simple que de changer complètement de mode de scrutin : si on ne veut plus perdre les voix allant pour les partis recevant moins de 5%, alors supprimons ce seuil. C'est aussi ce qu'exprime cet autre commentaire :
En effet, en Allemagne comme dans de nombreux autres pays de l'Union Européenne, le seuil pour l'élection européenne est plus bas, ou alors il n'y en a pas. Par ailleurs, les autres pays avec un seuil de 5% n'ont pas autant de sièges à distribuer que la France, ce qui fait que le seuil de 5% n'a que peu d'impact dans ces pays. Cette conjonction d'un seuil haut et d'un grand nombre de siège fait que la France est probablement le pays avec le pire système en termes de représentativité pour l'élection européenne. Il faut noter tout de même que dans le cas de l'Allemagne, l'élection européenne est le seul scrutin sans seuil. Notamment, l'élection de leur parlement (le Bundestag) utilise un seuil de 5%.
Cependant, si beaucoup de participants ont indiqué leur souhait de supprimer ou réduire le seuil, il y a également eu de nombreux commentaires faisant la remarque inverse : selon eux, il faut absolument garder le seuil afin d'éviter la dispersion des sièges et l'élection de listes « fantaisistes ». Voici un échantillon de quelques commentaires défendant la nécessité du seuil :
Si on regarde les réponses à la question « est-ce que vous souhaitez voir le seuil de 5% être réduit/supprimé? », on note que dans l'échantillon représentatif, il n'y a ni une majorité en faveur, ni une majorité en défaveur de la proposition, mais que les deux positions sont presque également représentées. Dans l'échantillon auto-sélectionné, avec données redressées selon les intentions de vote (le processus de redressement est décrit dans le premier article), on note une légère majorité en faveur de la réduction du seuil, qui peut être expliquée par le biais de sélection de l'échantillon.
Le grand nombre de listes semble également être un facteur de frustration pour certains. En effet, au lieu de motiver les électeurs à aller voter par une multiplication des choix, ce grand nombre de listes semble au contraire repousser les électeurs qui se retrouvent un peu perdus :
Certains proposent des solutions pour limiter ce nombre de listes, comme par exemple ce commentaire qui propose de faire un second tour avec les listes ayant reçu plus de 5% :
Cette idée de second tour est en fait très proche de l'utilisation de la méthode à deux choix que nous proposons, mais en devant retourner aux urnes au second tour pour indiquer son deuxième choix. Cela est tout de même différent sur plusieurs points, en particulier car cela ne permet pas de transferts de voix successifs entre les listes. Par exemple, si une liste A obtient 4,8% mais aurait obtenu toutes les voix de second choix d'une liste B obtenant 0.5%, elle ne dépasse pas les 5% directement (et donc ne serait pas au second tour), mais elle les dépasse après transfert des voix de la liste B. L'avantage de cette méthode à deux tours et qu'elle demande moins de changements dans l'organisation du scrutin.
Bulletin unique
De nombreux commentaires comme celui-ci soulignent la nécessité de passer à un bulletin de vote unique, avec des cases à cocher, comme dans les autres pays de l'Union Européenne. Cela permettrait non seulement une grosse économie de papier, mais cela enlèverait également un poids financier aux listes, qui doivent payer des millions pour imprimer ces bulletins.
Dans tous les cas, avec les méthodes que nous proposons, il est nécessaire d'utiliser un bulletin unique car avec plusieurs choix autorisés, il y a trop de possibilités de vote pour imprimer un bulletin pour chacune d'entre elles. Par exemple, pour le vote à deux choix, on pourrait avoir un bulletin au format ci-dessous.

Complexité du dépouillement
Avec nos modes de scrutin, nous sommes habitués à simplement compter le nombre de voix obtenu par chaque liste, ce qui est très simple. Comment dépouiller si l'on vote par classement, et que l'on doit calculer des transferts de voix ? C'est la question que se posent un grand nombre de participants à l'expérience :
Certains s'inquiètent en particulier de la nécessité du recours au numérique pour calculer les résultats de l'élection :
Notons tout d'abord qu'il ne sera pas nécessaire de passer par des machines électroniques. En effet, certains pays utilisent déjà ces méthodes pour d'autres élections, comme l'Australie ou l'Irlande qui utilisent une méthode très proche de la méthode par classement que nous proposons (appelée Single Transferable Vote). Dans les deux cas, les bulletins sont en papier. De plus, les bulletins sont comptés manuellement et comme l'explique cette vidéo de la commission électorale australienne, les résultats officiels peuvent mettre plusieurs jours voire semaines à être déterminés, mais les médias donnent généralement des estimations très précises le soir même de l'élection.
Cependant, il est vrai que dépouiller manuellement de la sorte demande beaucoup de temps et de ressources. On pourrait être un peu plus rapide en utilisant une méthode de dépouillement en parallèlle décrite dans cet article scientifique (en anglais), et qui est proche de ce qu'évoque le dernier commentaire. L'idée est la suivante : on commence par trier les bulletins selon la liste placée en premier choix. On obtient alors une pile et un score pour chaque liste. On remonte les scores au niveau national. Lorsque l'on a assez d'information au niveau global pour déterminer les premières listes éliminées, leurs noms sont transmis aux bureaux de vote. Ces derniers vont alors déplacer les bulletins se trouvant dans les piles associées à ces listes éliminées et les déplacer vers la pile de la première liste non-éliminée du classement, s'il y en a une. Ensuite, ils faot remonter les transferts de votes effectués suite à ces éliminations au niveau national, ce qui permet de connaître les éliminations suivantes, et ainsi de suite.
Et si on veut prendre encore moins de temps, alors on peut demander aux bureaux de vote de rentrer tous les classements dans une application, qui va centraliser tous les votes et calculer le résultat. En ce sens, on utilise un bien un « algo central ». Ceci étant dit, les bureaux de vote utilisent déjà des applications de ce type et un algorithme central pour toutes les élections en France. L'utilisation d'un tel algorithme n'empêche pas que les résultats soient facilement vérifiables par n'importe qui, au contraire.
Notez que ces remarques valent pour les deux méthodes que nous proposons mais que dans tous les cas, le dépouillement serait évidemment plus simple et plus rapide avec la méthode à deux choix que pour la méthode par classement.
Pour résumer, le dépouillement se fait manuellement dans d'autres pays pour des élections de grande ampleur, bien que cela puisse prendre du temps. Ce dépouillement peut être rendu plus rapide grâce à d'autres méthodes de dépouillement et à l'utilisation d'algorithme centralisé.
Les méthodes proposées
Plus d'information
Les commentaires nous ont apporté de nombreux retours intéressants sur les avantages et les inconvénients des méthodes proposées. Ce qui revient le plus souvent, c'est que le vote de second choix apparaît pour beaucoup comme un bon compromis entre d'un côté le vote unique et ses défauts de représentativité, et de l'autre le vote par classement, qui peut sembler complexe à mettre en place.
D'un autre côté, cette complexité du vote par classement est directement liée à un gain en expressivité pour les votants, qui peuvent donner plus d'information sur leurs préférences au travers de leur vote. Ainsi, on donne plus de liberté aux électeurs avec ces méthodes, ce qui a été apprécié par certains :
D'ailleurs, si l'on s'intéresse aux réponses à la question « Seriez-vous plus enclin à voter pour une petite liste si vous pouviez donner des choix supplémentaires ? », on constate que dans les deux échantillons, une majorité des participants répond positivement (75% pour l'échantillon auto-sélectionné et 52% pour l'échantillon représentatif).
Le vote utile
Vous avez également été nombreux à apprécier la sortie du dilemme entre le vote de conviction et le vote utile que permet le vote de second choix.
Si l'on regarde les réponses à la question « Préféreriez-vous voter pour une liste proche de vos intérêts même s'il y a un risque que votre vote soit ignoré ? », qui revient à demander aux participants s'ils préférent voter sincèrement ou utile, on observe qu'une grande partie des participants préfère voter utile, dans le sens où ils ne veulent pas voir leur vote ignoré (60% pour l'échantillon auto-selectionné et 37% pour l'échantillon représentatif).
Bien sûr, il est en théorie toujours possible de voter « utile » (mais dans une bien moindre mesure) avec le vote par classement et à deux choix, mais comme le souligne le commentaire suivant, il est difficile de savoir quelle est la meilleure stratégie.
C'est voulu : lorsque cela est compliqué de savoir quelle est la manière la plus « stratégique » de voter, alors la meilleure solution est de voter sincérement.
Cet aspect stratégique divise les participants sur la question des sondages : certains estiment que les sondages auraient trop de pouvoir puisqu'ils dicteraient les stratégies à adopter. Nous repondrons à cela que c'est déjà le cas avec la méthode actuelle : les sondages donnent une claire indication de quels sont les votes « utiles ». Au contraire, avec les méthodes proposées, il sera probablement moins claire de distinguer le vote utile du vote sincère. C'est d'ailleurs ce que l'on peut lire dans beaucoup de commentaires, qui voient dans ces méthodes une solution pour diminuer l'influence des sondages. Dans tous les cas, les sondages s'adaptent aux méthodes de scrutin. D'ailleurs, certains sondages posent déjà la question « quelle est votre candidat de second choix ? » (généralement, la question n'est posée qu'aux sondés qui indiquent être indécis).
Nombre de choix
Pour certains, il est trop difficile de classer les listes : on finit par choisir au hasard. Il est important de rappeler, en réponse à ces commentaires, qu'il n'est absolument pas nécessaire de classer toutes les listes, et qu'il est tout à fait possible de n'en classer qu'une seule ou deux, voire zéro, même avec le vote par classement. D'autres commentaires suggèrent un entre-deux entre les méthodes proposées, en plafonnant le nombre de choix à 3 ou 4 :
Un autre commentaire souligne d'ailleurs justement que cette liberté dans les choix possibles apportée par le vote par classement ouvre la voie à une forme d'attaque très particulière, appelée attaque à l'italienne en référence à son utilisation par la mafia italienne. Si vous voulez en savoir plus sur cette attaque très intéressante, vous pouvez lire cet article de blog sur le site du Monde.
À qui cela profite-t-il ?
Nous avons reçu de nombreux commentaires comme ceux-ci craignant, ou se réjouissant, que les méthodes proposées favorisent au choix : les petites listes, les grandes listes, les partis extrêmes, et les partis centristes. On voit donc que les gagnants et les perdants potentiels de ces méthodes diffèrent selon les lectures de chacun.
En fait, les orientations politiques des listes avantagées par un tel changement de mode de scrutin dépendent beaucoup du contexte politique du moment, et une méthode peut avantager une mouvance politique aujourd'hui, et la désavantager demain. Nous expliquons dans cet article quels sont les gagnants les plus probables d'un tel changement : en premier lieu les « petites » listes, puisqu'elles souffriraient moins du vote utile. Cependant, elles ne seraient pas beaucoup plus nombreuses à obtenir des sièges, comme le montre l'analyse des résultats. Les « grandes » listes qui sont souvent placées en second choix d'une (ou de plusieurs) petite liste seraient aussi avantagées, mais encore une fois cela dépend grandement du contexte politique du moment. Enfin et surtout, ce sont les électeurs qui gagnent le plus d'un tel changement, puisqu'ils devraient être mieux représentés avec les méthodes proposées, censées ignorer moins de bulletins.
D'autres commentaires indiquent être en faveur du statu quo et de la méthode actuelle simplement parce qu'ils n'ont pas besoin de second choix, leur liste favorite étant au-dessus de la barre des 5%. C'est d'ailleurs pour cette raison que les électeurs des partis arrivant en tête à l'élection sont généralement moins en faveur des changements de mode de scrutin (ce qu'on observe particulièrement sur l'échantillon représentatif, comme expliqué dans le prochain article). D'autres se rendent tout de même compte que même si ce changement pour un mode de scrutin plus juste ne leur profite pas aujourd'hui, il leur profitera peut-être dans le futur, et il est de manière générale plus juste pour tous :
Et globalement, c'est ce qui devrait compter le plus dans le choix d'un mode de scrutin : si notre but est d'obtenir une méthode de vote plus juste et représentative, peu importe de savoir qui sera avantagé ou non.
Le changement impossible
Enfin, certains commentaires soulignent avec justesse l'effort que demanderait de renseigner les électeurs sur ces méthodes, et de leur donner envie de changer de mode de scrutin. Par exemple, il peut être difficile d'expliquer que quelqu'un qui classe 5 listes ne vote pas 5 fois plus que quelqu'un qui n'en classe qu'une seule.
Les autres modes de scrutins
Pour finir cet article sur vos retours, nous allons passer en revue les nombreux commentaires suggérant d'autres modes de scrutin que les méthodes que nous proposions. C'est ce qui arrive quand la plupart des personnes qui répondent au sondage sont des personnes intéressées par ce sujet des modes de scrutin.
Le panachage
Tout d'abord, certains suggèrent la mise en place de panachage dans les votes. Ce système ne résout pas totalement le problème du seuil mais possède des aspects intéressants. Il consiste à pouvoir choisir des candidats de différentes listes pour construire son vote, et ainsi mélanger les listes (c'est ce système qui est utilisée pour les élections municipales en France dans les villes de moins de 1000 habitants). D'autres systèmes permettent quant à eux de choisir l'ordre des candidats au sein de la liste choisi. Ainsi, si on veut voter pour une liste mais qu'un des candidats placés dans les premières positions ne nous plaît pas, il est possible de voter pour la liste sans voter pour ce candidat. Bien que cette question n'ait pas été au coeur de notre enquête pour l'élection de 2024, elle est très intéressante et a déjà fait l'objet d'une enquête du même style pour l'élection européenne de 2014, appelée EuroVotePlus. Cette enquête très intéressante testait également la possibilité de listes établies au niveau européen et non plus national. Vous pouvez la lire en cliquant ici.
Le jugement majoritaire
Nous avons reçu beaucoup de commentaires faisant référence au jugement majoritaire. Ce mode de scrutin, proposé dans le cadre d'un vote à un seul gagnant (par exemple une élection présidentielle), consiste à donner une note (ou une appréciation) à chaque candidat, et choisir le candidat avec la meilleure note (ou appréciation) médiane. Cette méthode a connu un fort gain d'intérêt grâce à l'association Mieux Voter, à certaines vidéos comme celle de Science Etonnante et à son utilisation pour la Primaire Populaire en 2022.
Le principal problème du jugement majoritaire dans le cas de l'élection européenne et qu'il s'agit d'un mode de scrutin pensé pour des élections à un seul gagnant. Or ici, nous souhaitons élire une assemblée, avec une distribution des sièges qui corresponde à une représentation proportionnelle de l'électorat. Les états ont d'ailleurs l'obligation d'utiliser une méthode proportionnelle pour l'élection européenne. L'adaptation du jugement majoritaire classique à ce type d'élection est loin d'être trivial. Il y a d'ailleurs un long fil (qui remonte à avril 2019) sur le forum du site Mieux Voter à ce sujet, et qui nous a été remonté par un participant à l'expérience.
Les méthodes non-proportionnelles
De nombreuses autres méthodes ont été proposées:
La critique émise à l'égard du jugement majoritaire (qui n'a pas été conçu pour retourner une distribution de sièges qui se veut proportionnelle), peut aussi être faite envers la plupart des autres méthodes suggérées, notamment la méthode par points dite méthode de Borda, le vote par note, dans lequel on ne donne pas un classement des candidats mais une note à chacun d'entre eux, et les méthodes de Condorcet.
Dans le cas du vote par note, on peut rendre le scrutin proportionnel en imposant que la somme des notes soit la même pour tous les votants (en ayant par exemple 20 points à distributer entre les différents candidats). Ce système est probablement intéressant, mais beaucoup plus complexe que les méthodes que nous proposons. Certains commentaires proposent d'ailleurs exactement ce système :
D'autres commentaires comme celui ci-dessous évoquent la possibilité de voter contre des listes. Même si l'idée est séduisante, il est difficile d'interpréter un vote contre pour établir une distribution proportionnelle des sièges.
Le vote par approbation
Une méthode plus réaliste serait alors de permettre aux votants d'approuver ou non chaque liste candidate. Cela revient à voter pour autant de listes que le votant le souhaite, mais son vote serait par exemple divisé entre les différentes listes approuvées. Par exemple, si j'approuve 3 listes, cela revient à donner un tiers de mon vote à chacune des trois listes. Bien sûr, cela n'est pas la seule manière de calculer les scores.
Cette manière de voter, en approuvant un certain nombre de listes, est appelée « vote par approbation » (parfois « vote par assentiment »). Dans le cadre d'un vote à un seul gagnant (comme la présidentielle), ce mode de scrutin est défendu par différentes organisations, comme le Center for Election Science aux États-Unis, ou le Projet 21 Avril en France (mais dans le cas des élections à un gagnant, le vote n'est pas divisé entre les listes et chaque candidat approuvé reçoit bien un point). Dans le cadre d'une distribution proportionnelle de sièges, des modes de scrutin existent (voir cet article scientifique sur le sujet), mais ils s'éloignent des méthodes actuelles d'attribution des sièges et sont assez complexes à expliquer. De plus, la question du seuil n'est a priori pas encore étudiée pour ces méthodes, donc nous avons voulu nous concentrer pour cette enquête sur des méthodes simples et proches de ce que les gens connaissent, ou de ce qui existe déjà dans d'autres pays.
Transferts centralisés
Pour finir, certains commentaires proposent une autre solution intéressante, et qui permettrait de réduire totalement les votes perdus. Dans cette solution, ce sont les listes qui indiquent, avant l'élection, vers qui elles veulent que leurs votes soient transférés dans le cas où elles ne passent pas le seuil des 5%. Cela permettrait de résoudre le problème des votes perdus sans changer le système actuel. Cependant, cela aurait un impact important sur les stratégie politique puisque les partis, qui critiquent très souvent leurs concurrents pour récupérer leurs électeurs, devraient alors indiquer ouvertement leurs proximités avec un autre parti par le biais de ce transfert de votes. De plus, cela contraint les électeurs d'une liste à voter pour une autre (qu'ils n'aiment pas forcément) dans le cas où leur liste ne dépasse pas les 5%.
Conclusion
L'article sur les commentaires que les participants à l'expérience nous ont laissés touche à sa fin. Évidemment, nous n'avons pas pu discuter l'ensemble des 400 commentaires dans cet article, mais nous les avons tous lus. Si vous aussi, vous voulez les lire, ils sont disponibles avec les autres données de l'expérience (mais séparés des autres données pour garantir l'anonymat des participants) sur ce lien Zenodo.
Nous vous invitons à lire les autres articles consacrés à l'analyse des résultats de l'expérience sur l'échantillon auto-sélectionné (disponible ici), et sur l'échantillon représentatif (disponible ici). Vous pouvez également lire l'article expliquant les méthodes proposées et les raisons de ces propositions (disponible ici). Enfin, si vous avez des questions, des commentaires, ou des suggestions, n'hésitez pas à nous les envoyer par mail à l'adresse suivante : theo.delemazure@dauphine.eu.
Théo Delemazure (Merci beaucoup à Ariane Ravier pour la relecture.)